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Pour les anciens...et les curieux ....c'était le bon vieux temps

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Pour les anciens...et les curieux ....c'était le bon vieux temps Empty Pour les anciens...et les curieux ....c'était le bon vieux temps

Message  Enzo34 Ven 9 Juil - 16:51

MOTO REVUE N°2714 du jeudi premier août 1985_

_MOTO REVUE bat le T.G.V . sur Paris-Marseille : _

_4h00'25", 195 km/h de moyenne_

Paris, gare de Lyon, 3 heures du matin. Marseille, gare St-Charles,
7h00'25", 4 h 25" plus tard, la 900 Ninja pilotée par Vexator entre en
gare. Après une bourre démente de 780 km menée au rythme d'enfer de 195
km/h de moyenne. Avec un relais à 232 de moyenne... Le but était de
battre, une nouvelle fois, le T.G.V. qui met 4 h 40 pour couvrir la même
distance. Il a fallu près de vingt personnes, des sueurs froides et
beaucoup de foi pour en arriver à bout. Nous avions établi un tableau de
marche basé sur 4 h 30' : au premier relais, la moto avait 7' d'avance,
15 au second, 25 quatrième ! Et presque 40 sur le T.G.V. à l'arrivée.
Entrez dans la danse !

Voilà, on l'a refait. Malgré les pressions, malgré nos doutes nés de ces
dernières. Pressions qui sont d'ailleurs venues plus du milieu que de
l'extérieur. Importateurs, concurrence : autant de gens qui voulaient
nous voir renoncer à notre projet. " Vous allez donner une image
dangereuse de la moto. " " C'est de la provocation, après on ne pourra
plus rien faire ", etc... Tout cela est peut-être vrai. De toute façon,
les pouvoirs publics ont tous les droits, T.G.V. ou pas T.G.V. Si, au
niveau du pouvoir, on a décidé en France de supprimer la moto, rien ne
les arrêtera. Même pas la " concertation ".

Nous, nous pensons différemment. En moto, ce n'est pas tant la vitesse
qui tue que la cohabitation entre différents types de véhicules. Trois
quarts des tués à deux-roues, en France, le sont des collisions
deux-roues/quatre-roues aux intersections en zone urbaine. Alors ?

Nous pensons aussi que la moto est plaisir, objet de plaisir et doit le
rester. Le jour où nous ferons une moto triste, utilitaire, elle ne
plaira plus aux motards et le marché n'existera plus, tué par
l'autocensure, même pas par les pouvoirs publics. Nous avons donc décidé
que la vitesse, c'était dépassé. Dans une " France qui gagne ", nous
voulons une moto qui gagne, la tête haute, pas une moto de perdants, de
battus. Roulez cool ? Non, roulez fou... avec nous, pas en vrai bien
sûr. En faisant cela, nous voulons exorciser vos fantasmes. Nous, on ose
pour vous et on vous l'offre. La moto, c'est le pied et ça doit le
rester. Ceux qui ne sont pas d'accord avec nous ont le droit de le dire.
Les lecteurs qui le sont ont aussi le droit de nous écrire, on gardera
les lettres précieusement.

Nous ne nous posons pas en exemple mais en symbole. Nous ne voulons pas
que les motards nous imitent, roulent à fond et se déchaînent : nous
voulons qu'ils le fassent à travers nous. En réalisant par la moto cet
exploit, nous voulons que chacun se dise : la moto, c'est quand même
quelque chose de fabuleux, même si moi je roule à 130, ce qui me suffit
bien. Savoir qu'on peut le faire, sans le faire ; profiter de l'image,
de l'aura, tout en restant un conducteur civilisé, soucieux de sa
sécurité et conscient de la loi.

" Vous montrez le mauvais exemple ", nous a t-on dit aussi. Quel exemple
? C'est de nous être battus contre le T.G.V. dans des conditions
irréalisables pour un individu isolé - trois pilotes, des équipes
d'assistance en six points du parcours de Paris à Marseille - qui montre
le mauvais exemple ? Demain, tous les motards de France vont débouler
sur l'autoroute à 260 compteur ? Jamais de la vie une personne ne peut
sérieusement croire à cela. Nous démontrons qu'une moto est puissante ?
Sûr, c'est marqué sur sa fiche technique. Les services des Mines
français en reconnaissent parfaitement les performances. De même que
celles d'une Porsche 930, d'une Renault 25 ou CX GTI Turbo. Mais il
existe une règle, applicable à tous sur notre territoire : la
transgresser coûte aujourd'hui une fortune. Quel rapport avec la
puissance ou la vitesse ? On peut en avoir, mais on ne doit pas
l'utiliser. C'est ça, la réalité. Et la liberté. Pas le contraire.


En plus, réaliser une telle moyenne sur ce parcours démontre de façon
éclatante autre chose : une moto est aujourd'hui un engin
exceptionnellement sûr, homogène, fiable. Tenue de route, freinage,
qualité des pneumatiques, des suspensions et de l'éclairage font d'une
moto de 100 chevaux aujourd'hui un engin beaucoup plus sûr qu'une moto
de 65 chevaux, il n'y a pas si longtemps.

Comme, de toute façon, la puissance est désormais limitée, seuls ces
points peuvent évoluer, ce qui est plutôt positif. Cette évolution
technique est, certes, le fait des constructeurs, mais également le
fruit d'un dialogue entre pouvoirs publics, utilisateurs et marques afin
de définir un produit aussi bon que possible et répondant aux critères
passion-sécurité. Le résultat est éclatant, non ? Ne serait-ce que pour
cela, la concertation a du bon. J'ajoute que, tenant compte de cela,
cette expérience peut aussi jouer un rôle rassurant, puisque démontrant
la qualité de l'engin à deux roues en général. Ceci a certes valeur
d'exemple sur ceux qui disent que la moto est dangereuse, et doit
rassurer ceux qui la pratiquent. Ce qui serait plutôt bon
commercialement, non ?

Enfin, un autre point important mérite d'être soulevé. Pour réaliser 195
km/h de moyenne sur Paris-Marseille il faut : une moto exceptionnelle,
des conditions exceptionnelles, des routes exceptionnelles. Et là,
chapeau. Parce qu'une telle aventure n'est pratiquement possible qu'en
France, à l'exception peut-être de certains tronçons italiens. Pourquoi
? Parce que l'autoroute française est très bien dessinée, bien signalée
(bandes réfléchissantes, délinéateurs la nuit), bien surveillée (bornes
d'appel fréquentes). De plus, le comportement des automobilistes
français devient excellent. Ils se rangent, regardent dans leur rétro
(en général). La campagne de publicité de la Sécurité routière a porté
ses fruits. On ne peut pas en dire autant de tous les automobilistes de
toutes les autoroutes, même pas en Allemagne. Mais nous n'allons pas
disserter pendant des lustres. Il ne fallait pas le faire : Terminator,
Gladiator et Vexator l'ont fait. Que ceux qui n'ont jamais roulé vite à
moto nous jettent la première pierre et que nos détracteurs nous
démontrent que nous faisons du tort à la moto.

*/_Paris-Auxerre, le Gladiator rentre en scène_/*/ /

C'est donc à moi que revient l'insigne honneur de prendre le premier
relais. Le contrat est simple : départ à trois heures tapantes et
ensuite taquet jusqu'à la station-service d'Auxerre-Venoy. Soit 173 km
que je dois avaler en une heure au plus pour respecter le tableau de
marche. Le départ ayant lieu rue de Chalon, en face de l'entrée réservée
aux T.G.V., gare de Lyon, c'est la sortie de Paris qui va poser le plus
de problèmes. D'autant que le périph est fermé cette nuit...

La nuit, Paris. Pas question de se coucher avant le départ. Je me
connais, si je commence à dormir il faudra faire sauter une bombe de 20
mégatonnes sur mon oreiller pour me réveiller. Mon programme de la
soirée sera donc : café, restaurant, café, cinéma, café et café. Dès une
heure et demie je vais repérer le parcours qui m'emmènera jusqu'à la
bretelle de l'autoroute du Sud. Le départ est simple : au bout de la rue
de Chalon, je prends à droite dans la rue de Rambouillet puis à gauche
pour enfiler les quais jusqu'au boulevard Masséna. Pour l'instant, je
roule gentiment, avec ma combinaison et mon jerrycan sur la selle,
histoire de repérer les taches de gasoil et les képis en voiture. Ça
tombe mal, il y a des premières sur les pavés de la rue de Rambouillet
et des seconds plein le boulevard Masséna. " Blood and guts ", ça va
être chaud 1 Je n'ai que quatre minutes, selon le plan de marche, pour
atteindre l'entrée de l'autoroute. La seule ouverte cette nuit est celle
de la Poterne des Peupliers, porte d'Italie. Mais, pour quitter le
boulevard extérieur, il y a un feu où s'entassent camions et caravanes
de touristes sur une voie. Eh oui, même à cette heure avancée de la
nuit. Seul plan possible : prendre le souterrain et couper à gauche à la
sortie. Ce n'est certes pas réglementaire, mais quand on s'attaque au
temps du T.G.V. sur Paris-Marseille, cette manœuvre est une anecdote
désopilante. Bon, ça baigne. Je retourne au point de départ pour refaire
une dernière fois le parcours afin de bien me mettre dans l'œil
l'emplacement des feux rouges et autres babioles du genre. Il y a encore
des flics partout. J'espère qu'ils vont changer d'air sur le coup de
trois heures...

3 h, gare de Lyon. Sous l'oeil endormi de quelques bidasses en perm et
des " dealers " de la rue de Chalon, je place la 900 en face de la porte
des T.G.V. Le chrono fixé sur le guidon gauche doit me permettre de
vérifier mes temps de passage en fonction du tableau collé sur le
compte-tours. J'ai quatre minutes pour arriver porte d'Italie,
vingt-quatre minutes pour atteindre le péage de l'autoroute du Sud et
une heure pour passer le relais au Terminator qui m'attend à la station
juste après la sortie Auxerre-sud. Le photographe mitraille, le
commissaire technique de la Fédé note, moi, je flippe un peu. Pas
sommeil, moi. Houla, non alors ! Il est plutôt excité te Gladiator ! En
plus, le système du jerrycan de secours cafouille un peu. Enfin,
maintenant il est trop tard pour le changer ou me trouver un rendez-vous
urgent chez le dentiste. T'es dedans mon gars, les autres t'attendent et
si tu commences à prendre du retard au début, ça va leur mettre un coup
au moral et ce sera dur à rattraper. Alors : gaz ! Mon regard glauque
est rivé sur ma montre préalablement réglée sur l'heure de l'horloge
parlante. Cinq, quatre, trois, deux, un, go... Un coup de pouce pour
déclencher le chrono et j'ouvre en grand, Travers en ouvrant après la
droite au bout de la rue de Chalon. Quel con, pourtant, j'avais vu que
ça glissait ! Les rues sont désertes, ça roule. Jetons un voile pudique
sur le franchissement des feux. Prudent quand même, mais franchement
illégal. Boulevard Masséna, plus de flics, le souterrain, je coupe tout
à la sortie, le rond-point, la Poterne. Coup d'oeil au chrono éclairé
par les lampadaires : 4 h 19". C'est correct. Si le périph avait été
ouvert, c'était à l'aise 2' de moins.

3 h 06, entrée de l'autoroute. Gaaaaaaz !... Collé derrière la bulle,
j'enroule du câble, la conscience tranquille. Il fait beau et la
circulation est fluide. Quelques égarés sur la voie de gauch s'écartent
précipitamment en voyant arriver le H4 de 100 W dans leur rétroviseur.
Je préfère éviter de slalomer car, à la vitesse ou le déboule, je
n'aurais pas le temps d'anticiper. Jusqu'à Evry, on ne peut pas dire que
la route soit en bon état. Parfois mon casque vient heurter le réservoir
d'essence à la suite d'un raccord de goudron ou d'un trou. Malgré la
très bonne tenue de cap de la 900 Ninja, les successions de bosses
m'obligent à tirer sur le guidon violemment et provoquent des
guidonnages. L'aiguille du compteur oscille entre 220 et 250 km/h en
fonction des courbes et de l'état de la route. Fin de la portion
éclairée. C'est pas grave, l'ampoule 100 W éclaire suffisamment. Après
quelques minutes je distingue les feux du péage.

3 h 19, le péage. Freinage tardif, je prends le ticket en jetant un oeil
au chrono : 19' et des bricoles. Impeccable, j'ai déjà cinq minutes
d'avance. Le reste du parcours s'écoule sans soucis notoires. La route
est meilleure et seuls quelques voitures ou camions qui doublent
m'obligent à rendre la main sur les portions à deux voies. Maintenant
l'aiguille est entre 240 et 250 km/h. Ça devient monotone, cette
histoire. A 130 km du départ le moteur ratatouille. Damned, déjà la
réserve ! J'attends un peu pour voir si le jerrycan envoie le précieux
liquide aux carbus, mais ça ne vient pas. J'ouvre un peu plus le bouchon
de mise à l'air libre et je passe sur la réserve du réservoir principal.
Il me reste 43 borne à faire. A ce rythme je n'y arriverai pas. Je roule
entre 200 et 220 pour essayer d'atteindre la station sans avoir à
m'arrêter. Ouf, ça y est, je prends la bretelle de sortie alors que le
moteur commence à cafouiller.

3 h 53, Auxerre-Venoy. Freinage d'enfer. Mes potes me font signe devant
la pompe. Je descends de la moto, le Terminator grimpe dessus après
avoir fait le plein et ouvre comme un malade en laissant une trace de
gomme par terre. C’est fini pour moi. Un café, une petite clop et voilà
l'travail ! (Pfiouuuu ... )

*/_Auxerre-Chanas: la nuit sauvage de Terminator_/*

D'abord un petit bruit dans le lointain... Camion, moto ? Plutôt moto.
Elle semble très loin ; en effet, 45" plus tard nous entendons le
premier d'une série de quatre grands coups de gaz avant la chicane
d'entrée. Le Gladiator fait son apparition après une dernière
accélération. Le pompiste dégaine et enfourne son appareil dans la trappe...

3 h 55. Je récupère la mob. J'en profite pour intercepter le regard du
splitman qui m'a précédé. Une lueur d'inquiétude y circule : la réserve
additionnelle de ce putain de deux-roues à combustion thermique ne donne
pas son jus. Il va falloir adopter une vitesse de déplacement
intermédiaire, l'ordre de 68 m/s si on s'en réfère au compteur original
et fantaisiste de l'engin (il est encore gradué en valeurs par heure).
J'ai le plein de carburant, trois cachetons de pack-speed dans le stomac
et Bruce Springsteen dans les connections extérieures n°2 à
fond...D'ailleurs, le switch principal est sur Auto Total Control. Tout
va pour moi, je mets gaz direction Châlons où l'agent de translation
doit me ravitailler. Pas de risques qu'il ne fasse pas le boulot : on a
un dossier hyper chaud à son sujet. God speed you ! La bande noire qui
chauffe les pneus du transporteur n'attend que moi. Le faisceau du phare
me donne le drop-angle dans lequel je pointe de temps en temps un cargo
de la route. Quand j'en coince un dans le viseur, entre le speed
indicator et le red-limit, je le fusille du pouce gauche, histoire que
le rat qui se trouve au volant apprécie mieux la différence entre son
tas de ferraille qui détruit la bande et le mien qui la caresse. Je
connecte ma visée infrarouge avec les couleurs du paysage stockées dans
ma mémoire pour me distraire lorsqu'il n'y a pas de spots rouges à
l'horizon.

4 h 41. J'atterris sous la zone éclairée qui dans ce désert ressemble à
une oasis. Mon agent me tend un gobelet et une paille et me prévient
qu'un quatre-roues profilé vient de démarrer avec deux cops à bord.
Merci mec, et je laisse déjà la tache de lumière derrière moi. Je les
rattrape peu après et les atomise à 68,05 m/s. Malheureusement, pas le
temps de m'occuper d'eux ; cette nuit, je suis programmé pour une seule
et unique chose : rendre le transporteur en un point précis avant le
lever du jour. Il ne m'est pas permis de penser, pourtant, sachez que je
suis capable de sentiments. Tenez par exemple, j'ai un faible pour la
nuit : elle est la complice de tous mes délits. Je frôle les
quatre-roues qui campent sur la voie de gauche ; que ce soit clair : pas
de place pour eux lorsqu'ils se trouvent à portée de tir. A un moment,
une caravane me fait de l'oeil... Je pique sur elle pour la découper en
deux avec ma roue avant, mais hélas mes circuits me rappellent qu'un
autre splitman m'attend à Chanas.

5 h 04. Je jette l'enveloppe avec le fric au chignon qui me réclame une
carte (je peux lire sur les lèvres les quatres langues principales de la
planète). Quelle carte ? La réponse est simple : gaz ! La ville n'est
pas loin, je le sens, la température extérieure s'est réchauffée de deux
degrés. Dans le tunnel qui m'amène à Lyon, je débranche la sono et
taquine la red zone afin de sentir le moteur. L'onde sonore est belle,
pas de cliquetis ; ces putains de fûts à combustion fonctionnent pas mal
vu leur complexité !

5 h 16. Le Rhône est à gauche, large et brillant. Mon transporteur n'est
pas équipé pour glisser sur l'eau ; ça m'énerve, je suis obligé de
rester sur la bande avec les autres. Ils sont de plus en plus nombreux à
squatter l'espace et je manque de munitions. Aussi il faut faire du
slalom, aller caresser les murs de béton à gauche, virer à droite sur la
voie qu'ils appellent " urgence ", celle qu'ils réservent à leur "
stopmen ". Premières lueurs de l'aube, le nez du transporteur s'affaisse
à l'entrée de l'aire où je passe le guidon au splitman Vexator. Ma
complice s'évade (la nuit, pas la moto). Je me branche en position
veille, j'ai encore dix-sept heures à attendre pour rattraper ma belle.

*/_Chanas - Marseille-st-charles : Vexator enfonce le clou_/*

T.G.Vanadium indisponible, c'est à son frère jumeau que revient la
lourde tâche de clore le débat. Pas facile comme rôle. Les deux autres
se sont défoncés et il est-hors de question de saloper leur boulot. Il
va y avoir un ravitaillement, deux péages, l'entrée dans Marseille. Et
le jour qui se lève avec le réveil possible des radars... Sur le papier,
c'est une des moyennes les plus dures à respecter. On pouvait grignoter
avant, mais là, ça sera dur.

5 h 10. Nous arrivons à la station. C'est calme, il y a pas mal de
circulation, les pompes dorment presque. Je me rase, et fais quelques
mouvements de gymnastique. L'ambiance monte sous le casque.

5 h 20. Ça y est, tout est prêt. Les cônes, l'huile, la pompe branchée
spécialement pour nous, la visière du casque neuve, de quoi nettoyer la
bulle du carénage.

5 h 2 1 . Le P.C. appelle : " Attention ! Il a plus de quinze minutes
d'avance au dernier ravitaillement. " Il faut faire vite, car sur la
traversée de Lyon, il peut encore gagner du temps. Je m'enfile deux
boîtes de Coca et pique un 100 m. Il faut absolument que je sois tout de
suite à fond.

5 h 32. Cool. Rester cool. Bien repasser le plan de l'étape en tête. Je
commence à comprendre ce que vivent les pilotes d'endurance au stand.

5 h 34. Casque sur la tête. Tiens, une moto ! C'est un phare jaune, ça
n'est pas lui. Ho ! Mais ça va vite. " Le voilà ! "

5 h 35. Essence, nettoyage, huile. Merde ! Il y en a plein à côté. Sur
le pneu...

5 h 37. Contact. Feu ! Le Terminator me hurle de partir doucement : "
Fais gaffe à l'huile ! Roule cool ! Attention la tenue de route se
dégrade ! " Il ne manque pas d'humour, il vient de pulvériser le record
de mon frère sur Paris-Lyon !

5 h 44. il fait encore nuit. Il y a du monde ! La moto va bien.
L'arrière a l'air de tenir, ça ne glisse pas...

5 h 45. Bordel ! Le moteur coupe. Qu'est-ce que c'est ? A 220, plus
rien... Quel con ! J'étais en troisième ! Bon, maintenant, fini de
rigoler, gaz, assez perdu de temps.

6 heures. 78 km. Valence. C'est bon, ça avance. Au fait, avec ce nouveau
temps (je pose deux, je retiens quatre, je multiplie par 6,5 et... je
recommence), ça fait vingt-sept minutes d'avance sur l'horaire.
Infernal, les deux autres. Si je force la dose, je gagne trois minutes,
et on fait les quatre heures. Sans se le dire, on était tous partis avec
cette idée insensée en tête... Gaz !

6 h 03. 265 km/h à 10 700 tr/mn. Elle marche, cette 900 !

6 h 06. Qu'est-ce que c'est ? Un barrage ? Non, ouf, c'est pas une
histoire de radar avec barrage d'enfer à l'appui, mais simplement un
camion en panne et quatre voitures de flics pour voir ce qui se passe.

6 h 17. Ne pas se gourrer : direction Marseille. Pourvu qu'ils aient été
prévenus au ravitaillement. J'y serai dans dix minutes, ils m'attendent
dans quarante...

6 h 24. Avignon-nord, attention bientôt l'essence. Elle n'est toujours
pas à court, en fait la réserve supplémentaire doit fonctionner.


6 h 27. Station à 1 000 m. 200 m. Super. Des cônes partout. Je freine et
manque de tomber. Gaffe, ça glisse. Ma visière se nettoie, ma bulle
aussi, le réservoir se remplit. " Merci, les mecs, c'est super. "

6 h 28. Gaz ! Tout en travers. J'ai gagné deux minutes. Si j'en gagne
encore une, c'est les quatre heures...

6 h 34. il y a une course de camion ou quoi ? File ininterrompue à
droite, et il y en a même qui doublent. On se pousse ! Et pourtant, ils
ont largement grillé leurs limitations, mais qu'est-ce qu'ils se traînent.

6 h 39. Péage. J'ai juste les quarante francs, et il n'y a pas de flic.
C'est bon, mais attention sur les 13 km qui viennent, il peut y avoir un
radar... 6 h 44. Deuxième péage. C'est 3,50 F et je n'ai que trois
francs de prêt ! La pièce est ce que j'ai dû sentir glisser le long de
ma jambe au départ. Je la sens dans ma botte ! Il fallait bien ça. " Tu
me les avances ? - T'es fou ou quoi ? Cong ! - Bon, je passe. - T'es
con, on va prendre ton numéro. - !! ... "Je sors un billet de vingt
balles et je file sans attendre la monnaie. Je suis à la seconde près,
j'ai une minute à gagner. Il boira à ma santé.

6 h 50. Il commence à y avoir du monde. Je " gymkhanase " à fond à l'heure.

6 h 54. La voiture ouvreuse est là. Une allemande dorée avec gyrophare
sur le toit. Dans le Midi, ils sont vraiment à la hauteur !
Malheureusement, je vais trop vite pour lui entre les voitures. Je file
devant.

6 h 58. Sortie St-Charles. C'est jouable. Ne surtout pas se paner.

6 h 59. La gare. Il m'a dit : " Quand tu vois la gare à ta gauche, tu
enquilles le sens interdit, on sera au bout. " Facile, non ?
J'enquille... Oups ! Flics ! Ils sont huit ! Demi-tour au frein AR, on
fait le tour. Feu rouge, trottoir, passage piétons.

7 h 00 mn 25 s. " Vous êtes l'huissier ? - Oui ! " Ouf... Super. C'est
fait. Incroyable. Génial. Vite, un téléphone, il faut les prévenir au
P.C., ils doivent se demander ce qu'il se passe ...


_La moto qu'il fallait_

Si on a pris une Kawasaki 900 Ninja, ce n'est pas un hasard. D'abord,
c'est la machine de série la plus rapide à l'heure actuelle, d'autre
part, lors de nos différents essais. la Ninja s'était toujours montrée
redoutablement véloce sur autoroute. Et le choix s'est avéré payant
puisque les capacités de la Kawa nous ont une fois encore épatés.

Cela dit, on ne se lance pas dans une histoire pareille sans quelques
vérifications au préalable, doublées d'une petite préparation. Contrôle
du serrage de la colonne de direction, de la pression des pneus (2,3 à
l'avant ; 2,7 à l'arrière), réglage des suspensions (détente en 2 à
l'arrière et pressions préconisées par le constructeur), réglage du
sélecteur (ça prend une demi-heure cette bêtise tellement c'est
pratique) et de la tension de chaîne bien sûr.

La moto totalisait environ 2 000 km au compteur - elle était donc à
peine rodée - et conservait son rapport de démultiplication secondaire
d'origine. Seules modifications : des bougies froides, une ampoule de
100 W blanche dans le projecteur et une nourrice additionnelle
directement branchée en aval du robinet grâce à un raccord en T. Cette
réserve supplémentaire contenait près de 6 l par mesure de sécurité mais
en fait il aurait suffit d'un demi-litre ou un litre pour rejoindre nos
points de ravitaillement. A ce propos, le consommation en essence s'est
stabilisée entre 12.9 et 13,05 l aux cent suivant les relais, ce qui
reste très raisonnable.

Et sobre en huile avec ça puisque, vérification faite après 800 km, la
Ninja s'est fait d'un quart de ce précieux liquide. A la limite, nous
avons rajouté un demi-litre à Chanas pour rien. Un quart de litre vu le
rythme, c'est ridicule.

Il faut dire que, à ces heures, la température extérieure assez fraîche
jouait en notre faveur. Pour preuve l'indicateur de température d'eau
qui est toujours resté à une valeur proche du mini, même à fond.

A part ça, tout d'origine y compris les pneus. Fabuleuse du reste la
tenue du pneu arrière ! Vous pourriez penser qu'à cette moyenne et sur
cette distance il a pris une claque, et bien même pas. Pour tout vous
dire, la moto est revenue à Paris par l'autoroute le même jour en 5 h
1/4 et le pneu n'est toujours pas détruit. A l'arrivée, la rainure
centrale fait encore 3 mm de profondeur et je vous assomme si je rajoute
que le boudin en question avait déjà 2 000 km de rodage certes, mais 2
000 km tout de même au départ. Vous voilà renseignés : avec une pression
adéquate ce sont les accélérations qui usent la gomme, pas la vitesse ou
tout au moins pas dans les même proportions.

Enfin, après 1 600 km taquet, la moto tourne comme une horloge. C'est
assez éloquent pour être souligné. Et les grandes courbes du Morvan, me
direz-vous ? Un rail. Entre 220 et 240 compteur (sur 2 voies) pour être
précis. Sur la fin du parcours, la Ninja flottait bien un peu à cause
d'un jeu qui s'est amplifié à la colonne de direction. Une promenade de
santé en quelque sorte.
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